Indigo en fermentation, encore – Indigo fermentation, again

Dans mon billet précédent, il y avait une ribambelle de tissus blancs fraîchement lavés sur ma corde à linge! J’en ai teinté une partie à l’indigo dans ma grande cuve en fermentation, voici les premières pièces. Je prends mon temps pour teinter ces cotons et ces lins anciens, ils ont besoin de nombreux trempages et de longues périodes d’oxydation. Combien de temps? Je ne saurais pas dire… Le temps de s’oxyder complètement! Il faut bien observer ses tissus et apprendre à apprécier le changement de teinte. D’un vert sombre en sortie de bain, ils vont lentement bleuir, mais la durée du processus va dépendre du type de fibre et de la nature du tissu. Un coton fin va s’oxyder rapidement alors qu’un lin ancien épais va demander beaucoup plus de temps.

In my previous post, there was a row of freshly scoured white fabrics on my clothesline! I’ve dyed part of it in my big indigo fermentation vat and here are the results on the first pieces. I take it really slow on these cottons and linens, they need numerous dips and long oxidation periods. How long? Couldn’t say… When they’re fully oxidized! You should just observe your fabrics and learn to appreciate the color change on them. From dark green, they will slowly turn blue but the process takes a different amount of time depending on the type of fabric and the type of fiber. Light cotton won’t take long to oxidize, whereas thick vintage linen will need a lot more time. 

Lin en cours d’oxydation – Oxidising linen

Après teinture, les tissus ont été rincés et l’alcalinité de la cuve neutralisée avec un peu de vinaigre blanc. Ensuite, ils sont mis à sécher quelques jours à l’obscurité avant leur ultime lavage. Il est vraiment nécessaire de prendre toutes ces précautions pour garantir la meilleure tenue possible de l’indigo aux lavages et dans le temps, vous pouvez me croire! Il y a quelques années, je voulais souvent aller trop vite, mais c’est un très mauvais calcul avec l’indigo… Pas assez de trempages et/ou des rinçages trop rapides et/ou une cuve en déséquilibre et vous aurez ce genre de résultat: une vilaine décoloration aux pliures et aux parties exposées à l’air après quelques jours, voire quelques semaines! Et on ne veut vraiment pas ça! Dans le cas ci-dessous, ce lin n’avait pas été trempé assez de fois!

After dyeing, the fabrics were rinsed and the neutral pH restored with a bit of vinegar. Then, they are dried in the shade and left to set for a few days in the dark before a final wash. It’s really necessary to take all these precautions with indigo, to ensure a good fastness in time, believe me! A few years ago, I often wanted to be too fast, but that’s a really bad idea with indigo… Not enough dips and/or not enough rinsing and/or an unbalanced vat and you’ll get that kind of things: a nasty discoloration on folds and areas exposed to air after a few days and even a few weeks! And you really don’t want that! In this case, the linen wasn’t dipped enough times!

Profitant d’une baisse du pH dans ma cuve, j’y ai teinté deux écharpes en soie sur lesquelles j’avais fait du shibori très basique. Après douze bains, elles étaient quasiment noires encore mouillées, une belle promesse de bleu nuit!

Taking advantage of a little drop of the pH in my vat, I dyed two silk scarves on which I had made some very basic shibori. After 12 dips, they were almost black while they were wet, a dark blue promise!

Après toutes ces étapes, le dernier séchage est toujours un joli moment. Au moins une dizaine de bains pour chaque pièce, ça en fait pas mal au final!
After all these steps, the final drying is always a nice moment. At least ten dips per piece, that’s quite a lot! 

Les lins anciens prennent toujours très joliment l’indigo je trouve, même s’ils demandent plus de temps. Ici ce sont principalement de grands torchons français anciens, que j’aime bien utiliser comme chemins de table. Ils ont plein de petites imperfections dans le fil, mises en relief par le bleu de l’indigo, ce qui leur donne cet aspect particulier.

The vintage linen always take up the indigo nicely in my opinion, even if they need more time.  Here, they are big vintage french linen hand-towels, that I like to use as table runners. They have many little imperfections in the thread, highlighted by the indigo dye, giving them this particular look…

Une nappe en coton pseudo damassé, pas très ancienne mais qui est bien plus belle en bleue… celle-ci sera pour moi et ma table d’été!
A pseudo damask cotton tablecloth, not very old that one but really more beautiful in blue… This one is for me and my summer table!

Les tissu fraîchement teintés à l’indigo ont cette énergie du bleu vivant! Mais on devrait toujours se souvenir que l’indigo va vieillir. Nous n’aimons pas voir les choses se défraîchir dans le monde occidental, nous utilisons des produits chimiques pour garder noirs nos vêtements noirs, de la javel pour garder blancs nos linges blancs, nous faisons de la chirurgie esthétique pour enlever les rides de nos visages, nous jetons des vêtements usés au lieu de les réparer et d’accepter leur aspect vieilli, nous mettons même nos personnes âgées de côté loin des regards… Mais la vie est faite de détérioration et de vieillissement, même si c’est dur à accepter parfois. Voilà une autre leçon de l’indigo: né avec passion, amour, dévouement et travail, il a cette énergie du jeune bleu puis la vie prélève son écot. L’indigo, c’est une teinture puissante et solide quand elle est bien faite, mais elle va vieillir. Et il y a de la beauté dans ce vieillissement…

Freshly dyed indigo fabric is vibrant and has this energy of the living blue! But one should always remember that indigo ages. We don’t like to see things fade in our western worldview, we use chemical stuff to keep our black clothing black, we use bleach to keep our whites white, we use surgery to keep wrinkles out of our faces, we throw away clothing that is too old instead of mending it and accepting its aged look, we even put our old ones away from view… But living is about fading and ageing, even if it’s hard to accept. that’s another lesson of indigo: born of passion, love, dedication and hard work, it has its youthful energy and then life takes its toll. Indigo is strong and fast when well dyed, but it ages. And there’s beauty in that ageing…

Je possède cette magnifique veste japonaise, teintée à l’indigo. Elle doit avoir 50 ou 60 ans et le temps a fait son travail sur elle. J’aime ces imperfections qui pour moi n’en sont finalement pas, juste les traces de la vie, émouvant rappel du temps qui passe. Je la porte souvent, elle me rappelle qu’en tant que teinturière, mon but n’est pas de faire des choses parfaites, mais des choses qui durent et en espérant que ce que je teinte vieillira avec beauté!

I have this very beautiful Japanese indigo-dyed jacket. It’s 50-60 years old and time has been working on it. I love these imperfections that aren’t imperfections in fact, just traces of the fabric’s life, moving reminder of the passing time. I wear it often, it reminds me that as a dyer, I shouldn’t try to make things perfect, but I should just try to make them durable and hope that what I dye ages beautifully!

Celui qui a teinté cette veste il y a très longtemps me regarde peut-être depuis l’autre monde, peut-être sourit-il quand il me voit la porter avec respect, gratitude et plaisir. Peut-être me regarde-t-il teinter, peut-être a-t-il parfois envie de me taper sur les doigts quand je fais trop vite, quand je n’ai pas la bonne intention, pas la bonne attention… Teinter, ce ne sont pas juste des techniques pour mettre de la couleur sur des fibres, c’est une fenêtre ouverte sur le passé ainsi qu’une façon de voir la vie…

The one who dyed this jacket long ago, maybe he’s watching me from the otherworld, maybe smiling when I’m wearing it with respect, gratitude and joy. Maybe he’s watching me dyeing, sometimes wanting to smack me on the fingers when I’m working too fast, when I don’t have the right intent, not the right care… Dyeing is not just a set of techniques to put colors on cloth, it’s a window to the past and a way of seeing life… 

 

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6 commentaires pour Indigo en fermentation, encore – Indigo fermentation, again

  1. Jean Marie dit :

    Toujours fan de vos commentaires Micky , quel beau travail.Comme vous avez raison de dire que l Indigo, a l inverse de toutes les autres couleurs naturelles s ennoblit en vieillissant.De plus en plus beau et bien appliqué ,comme vous le faites ,il est doté d une solidité exceptionnelle a la lumière.Tel que nous le rappellent les vieilles tentures exposées dans nos monuments historiques dont les autres coloris , jaunes ou rouges plus faibles, sont quasi disparus. Donc profitant de ce qu il est plutôt solide a tout ,vous pouvez le recupérer quand la cuve est morte, telle que vous l avez subit précédemment.Au cas peu probable ou vous ne le sauriez pas, cela consiste a recuperer le fond de cuve, la lie,puis a la rediluer en présence d Acide Chlorhydrique, tant que le pH remonte au dessus de 4 on rajoute de l acide.De cette manière la chaux insoluble se transforme en Chlorure de Calcium parfaitement soluble.Ainsi seul l Indigo insoluble demeure On peux le recuperrer par filtration sur papier ou linge fin..Quant au chlorure de Calcium il n est pas polluant, une fois séché c est le dessicateur , grains blancs,que l on achète bien cher pour recharger les dessinateurs ménagers.
    Je vous souhaite une bonne saison d été.
    Jean Marie

    • Je confirme que les articles de Micky sont toujours justes et passionnants. Il résonnent avec ma propre pratique. Merci pour votre recette de récupération des lies de cuves, c’est intéressant, je vais essayer car j’en ai plusieurs. Mais qu’est-ce qu’un « dessicateur » pour « recharger les dessinateurs ménagers » ça ne me parle pas du tout ? Je suis toujours intéressée par la réutilisation et la remise dans un nouveau cycle des éléments que j’utilise au quotidien. Merci pour ce partage.

    • Merci Jean-Marie!
      Cependant, je n’utilise pas de chaux dans mes cuves en fermentation, mais seulement de la potasse et/ou eau de cendres. Ma peau n’aime pas trop la chaux, même si je sais que celle-ci a des avantages dans une cuve… Pour la cuve fer/chaux en fin de vie, je vais tester votre méthode!
      J’ai d’ailleurs essayé votre suggestion de détacher les tissus un peu tachés par le fer dans une cuve fer/chaux avec de l’acide oxalique! C’est magique, merci!
      Amitiés artisanes, Micky

  2. Claude dit :

    Je suis émerveillée par tant de savoir-faire et j’ai tant plaisir à vous lire. Vous êtes un rayon de soleil dans mon monde si gris actuellement mais qui je l’espère va reprendre des couleurs grâce à la teinture dans laquelle je vais me lancer bien modestement et humblement. Merci à vous.

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