Comme vous le savez si vous suivez ce blog, les bleus végétaux sont ma grande passion! J’aimerai d’ailleurs souvent y consacrer davantage de temps, et en ce moment, je profite! Les cuves de bleu demandent du temps, de la patience et une grande humilité, leurs difficultés sont réelles, même si je lis parfois sur des articles grand public que c’est facile à réussir… Je ne suis pas vraiment d’accord, malgré mon expérience de quelques années tout de même, il m’arrive encore d’avoir des soucis avec ces cocktails chimiques ultra-complexes que sont les cuves de bleu! Démarrer une cuve, c’est assez simple, oui, mais attention aux embûches sur le chemin du bleu!
As you know if you follow this blog, plant blues are my passion! I would often love to spend more time on it and at the moment, I’m really taking the time! Blue vats ask for time, patience and much humility, the difficulties are real with them, even if I sometimes read in mainstream articles that it is easy… But I don’t agree, despite my few year’s experience, fails happen with these super-complex chemical cocktails that are indigo vats! Getting started is easy, yes, but beware of bumps on the blue road ahead!
Dernièrement, mes deux cuves de fermentation de 30l ont « viré » l’une après l’autre comme je le disais dans mon dernier article… J’avais déjà eu ce souci l’année dernière avec ma chère cuve de 2ans d’âge, qui avait pourtant bravement résisté à des voyages à travers la France pour y briller en démonstration historique! Le transport, le transfert de la cuve dans mon dolium (jarre gallo-romaine en terre cuite) et les changements de température lors d’événements à la météo fraîche ne l’avait jamais affectée, elle restait vaillante et puis d’un coup… plus de réduction, plus de bleu… Une mousse grisâtre en surface, une odeur qui change. Mêmes symptômes pour mes deux cuves en cours l’autre jour et impossible de les refaire vivre! Mais ma nouvelle cuve de 30l se porte très bien, j’essaie de travailler avec presque tous les jours.
As I said in my last article, my two 30l fermentation vats have died on me… Already had the same problem, with the same symptoms, in my beloved two year old vat last year, a vat that had shared many travels across the country to show its magic during historical events! Transported, transferred into my dolium (a gallo-roman pottery), subject to changes in temperature during cool weather outdoor demos, nothing seemed to affect it and then, suddenly… no more reduction… no more blue… A grey unhealthy foam on top, a change in smell. Same symptoms for my two vats the other day and no way to revive them! But my new 30l vat is doing fine, I dye with it almost every day.
J’ai les ongles qui restent bleus et j’aime ça… Comme une connexion avec tous les « ongles bleus » du monde, d’Asie, d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Europe… Tout ces hommes et toutes ces femmes qui sont pour moi des frères et sœurs de bleu, qui s’inquiètent comme moi de la santé de leurs cuves, qui les respectent, les flairent, les goûtent parfois. Ils ont le sourire comme moi en inspectant un bleu réussi, après des heures, des jours, des semaines parfois. Je suis encore une apprentie dans beaucoup de domaines du bleu, mais le voyage est extraordinaire… Nous autres teinturiers du bleu, débutants ou maîtres, nous partageons la mémoire et les savoir-faire des anciens, qui ont utilisé le bleu végétal depuis des millénaires… Reliés, tous et toutes, par une molécule un peu magique qui change la vie de celui ou celle qui travaille avec… Quand je contemple mes ongles bleus et que je ferme les yeux un instant, je vois défiler des visages, souriants le plus souvent car l’indigo rend heureux… Et des ongles bleus sur des mains de toutes les couleurs de la diversité humaine, à travers le temps et l’espace…
My nails are staying blue these days and I love it… It’s like a connection with all the other « blue nails » around the world, in Asia, Africa, South America or Europe… All these men and women who are my blue brothers and sisters, who worry like me about their vats, respecting them, sniffing and sometimes tasting them. They must have the same smile on their faces when inspecting a successful blue after hours, days and even weeks. I’m still an apprentice in many ways of the blue, but the journey is extraordinary… We blue dyers, beginners or masters, we all share the memory and know-how of the ancient ones, who have used the plant blue for millennia… Connected, all of us, by a magical molecule that changes the life of the one working with it… When I look at my blue nails and close my eyes for a moment, I see faces, most of the time they are smiling, because indigo makes you happy… And blue nails on hands that have all the colors of human diversity, through space and time…
Je prends le temps de faire quelques autres tests et je révise mon histoire et mes techniques autour de l’indigo en ce moment! J’ai notamment relu en entier l’excellent livre de Jenny Balfour-Paul, très complet et avec une bibliographie très étendue! Je vous prépare une vidéo autour de l’indigo, mais il faudra patienter un peu!
I take the time to do some more experiments and I’m reviewing my knowledge in history and techniques around indigo at the moment! I re-read the whole wonderful book by Jenny Balfour-Paul, with its very rich bibliography!
Je fais beaucoup de mes cuves en fermentation en utilisant de la potasse comme alcalinisant. Ayant une cheminée, je me retrouve toujours avec des seaux entiers de cendres de bois durs (chêne, hêtre) et je prépare en ce moment des litres d’eau de cendre, selon une technique simple et efficace: un seau percé de petits trous avec au fiond une couche de graviers suivie d’une couche de paille. Il suffit de mettre la cendre par-dessus et d’ajouter de l’eau de pluie. L’eau de cendre s’écoule doucement par les couches et les petits trous. On peut la concentrer en faisant comme pour une sauce: on chauffe pour faire réduire! Des bois différents ne donnent pas la même alcalinité à l’eau de cendre, je devrais faire des expériences pour trouver le bon bois, mais pour le moment, j’utilise ce que j’ai sous la main.
A lot of my fermentation vats are potash-based (as an alkali). Having a fireplace, I hoard large amounts of hardwood ashes (mainly oak and beech) and I’m preparing some lye these days with a simple and efficient technique: a bucket, with small holes at the bottom and a layer of straw on top of a layer of gravel. You put ashes on top of that and you add rainwater. The lye slowly trickles down in another bucket through the layers and holes. You can concentrate it by heating it up like you would for a sauce that you want to reduce! Different woods don’t give the same lye strength, I should do more experimenting with that, to find the right wood, but currently I use what I have on hand.
En 2017, j’avais préparé une cuve en fermentation de 120l et je viens d’avoir l’occasion de la réactiver en la chauffant à 28-30°C et en la nourrissant d’indigo, de garance et de son. Cela fait plus d’un an que je n’y ai pas touché et c’était extrêmement émouvant de voir qu’elle était encore « vivante ». En 2019, j’avais eu tellement d’événements que je n’ai pas eu le temps de continuer mes essais en grand volume, voilà qui va se rattraper en 2020… Le trempage d’un échantillon, étape essentielle avant toute teinture à l’indigo ayant montré une bonne réduction dans la cuve, j’ai commencé à teindre des tissus. Je suis tellement heureuse de retrouver cette grosse mémère!
In 2017, I had started a 120 liter fermentation vat and I just had the opportunity to revive it by heating it up and adding some more indigo, madder and wheat bran. It’s been over a year that I hadn’t used it and it was very moving to see that she was still « alive ». In 2019, I had so many events that I didn’t have time to continue my bigger scale experiments, catching up this year I guess… Dipping of a sample, an essential step before any indigo dyeing, showed a good reduction in the vat, so I started to dye some fabrics. I’m so happy to work with this big mamma again!
A suivre…
To be continued…
Excellent Micky !
Qu’entends-tu par « elle a ‘viré' » ? Tu veux dire que comme une lacto-fermentation peut foirer, c’est un peu la même idée ?
Bonjour Thomas!
oui, un peu de ça… un emballement de la fermentation, mais pas dans la bonne direction… Et si on laisse reposer à froid, tout pourrit même à pH élevé (alors qu’à pH élevé, quand on coupe le chauffage, une cuve saine « s’endort » sans soucis, comme ma grosse mémère pendant plus d’un an!). Dans ce genre de cuve, ce sont des réactions super complexes entre pas mal de composés organiques, il y a une part de fermentation et sans doute aussi une part de réduction des sucres présents dans la garance et le son ajoutés…
Je trouverai ce que c’est un de ces jours… peut-être!
Amicalement, Micky
C’est de la chimie magique. !
Dans quel chaudron êtes-vous tombée enfant ?
C’est passionnant de te lire régulièrement, même si la teinture est moins mon truc toute la passion que tu y mets cela me redonnes envie de teindre, c’est tellement magique de déballer et d’avoir de « magnifiques surprises » . Merci pour ce beau partage qui relie les humains au savoir dans la passion et l’amour ❤
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