Ceux qui semblent le mieux supporter la situation sont sans doute les décroissants, les alternatifs, ceux qui ont un peu, beaucoup ou passionnément décroché du Système. Oui, j’écris Système avec un S majuscule, c’est cette gouvernance mondiale qui vénère les profits et qui détruit à la fois la planète et les humais qui y vivent… En langue allemande, il y a un joli mot devenu péjoratif mais qui pourrait très bien désigner ces décrocheurs en quête de plus d’autonomie, de simplicité et de respect: « Aussteiger », littéralement « ceux qui descendent » (au sens de descendre d’un véhicule).
Vous êtes-vous déjà arrêtés au milieu d’une foule se pressant dans la même direction? Sinon, imaginez: vous vous arrêtez doucement dans cette foule et écartez très légèrement les bras. La foule vous bouscule, vous sentez toute son énergie autour de vous, alors que vous vous tenez immobile, avec la certitude que cette foule se dirige vers un précipice. A ce moment précis, là, debout, immobile, vous décidez de tout doucement commencer à reculer. La foule semble accélérer le pas, vous la sentez vouloir vous happer, vous entraîner dans sa course, mais vous continuez tout doucement à reculer. C’est là, à cet instant précis que vous pouvez sentir toute la puissante beauté du choix, du refus d’aller vers le précipice. Il faut une sorte de courage pour s’arrêter dans une foule et une volonté sans faille, mais la liberté extraordinaire de ce choix est sans égale. La foule passe, bousculant, pestant, se moquant de vous, cet idiot qui recule, elle n’a d’autre volonté que celle du nombre. Vous vous sentez si libre, mais aussi affreusement seul et pourtant voilà d’autres compagnons de choix que vous apercevez du coin de l’œil, d’autres personnes comme vous, qui se sont arrêtées et on commencé à reculer.
Ne plus succomber aux charmes des sirènes du Système, ces si séduisantes sirènes de la consommation de masse.
Those who can probably stand the current situation best are those who have decided to slow down, those being alternative, those who have decided, more or less, to step aside from the System. I write System with a capital S, yes, it’s a global governance worshiping profits and destroying the planet’s resources and the human beings… In German, you can call them « Aussteigers », literally « those who step down (a vehicle) ».
Have you ever stopped amid a crowd hurrying in the same direction? If not, just imagine: you slowly stop in your path and slightly spread your arms. the crowd is jostling you, you feel all its energy rushing by while you stand, motionless, with the certitude that the crowd is running towards a precipice. In this moment, there, motionless, you decide to gently walk backwards. The crowd seems to accelerate its pace, you feel it wanting to take you with it, but you just gently carry on backing up. It’s there, right in this moment that you can feel the powerful beauty of choice, the refusal to go towards the precipice. It takes some kind of courage to stop amid a crowd, and an iron will, but the freedom of this choice is unique. The crowd passes, jostling, pestering, making fun of you, poor idiot who stopped, it has no other will than the one of the group. You feel so incredibly free but also so awfully alone, but suddenly, out of the corner of your eye, you see other people who have stopped and started to step back.
Not succumbing to the mermaids of the System, these attractive mass consumption mermaids.
Les sirènes du Système, sentez comme ces mots sifflent, sont aguichantes et nous promettent facilité, bonheur, progrès et prospérité, mais ne croyez pas ces putains, elles n’apportent que destruction des écosystèmes, inégalités toujours plus grandes et des bonheurs factices qui laissent au final un gout de cendre dans la bouche, le gout des écosystèmes qui brûlent et des promesses non tenues. Seuls quelques-uns tirent leur épingle de ce jeu, le petit peuple des humains est sciemment anesthésié par des écrans, des illusions de liberté et des joies incomplètes et sonnant creux.
Le Système survivra à la pandémie, il ne craint pas les virus, il s’érige au-dessus des lois de la Nature, il n’est plus régulé que par lui-même, hors-sol, sans âme et inhumain. Il s’en remettra, même avec des économies exsangues, ce sont encore ses fidèles esclaves qui vont payer le prix fort, ceux qui aux écouté les sirènes du Système, qui ont suivi la foule. Par habitude, par inconscience, par choix ou très simplement juste comme ça, sans y penser, en suivant la foule, protectrice, rassurante. A tout ceux-là, on a volé leur autonomie alimentaire et la résilience matérielle et psychologique, on a mis en sourdine leur jugement, le Système est très doué pour ça… Il se nourrit de nous, nous sommes sa nourriture, des consommateurs obéissants… Il apprécie la crise actuelle…
Beaucoup d’entre nous sont déjà entrés en résistance, une résistance qui ne fait pas beaucoup de bruit, qui se répand pourtant un peu partout, faite de doutes, d’apprentissages, de renoncements aussi, plus ou moins importants. C’est un cheminement long parfois mais pour ma part la situation actuelle ne cesse de me conforter dans les choix que j’ai eu la chance de pouvoir faire. Il me reste encore beaucoup de chemin à parcourir, mais le voyage en vaut la peine!
The Mermaids of the System have many charms, promising us easy living, happiness, progress and prosperity, but don’t believe those bitches, they only bring destruction of the planet’s ecosystems, social inequalities becoming bigger and false happy moments leaving a bad taste in the mouth.The taste of ash, the taste of burning ecosystems and of promises made that will not be honored. Only a few will profit, the little human people is knowingly anesthetized with screens, illusions of freedom and joys that somehow feel incomplete and hollow.
The System will survive the pandemic, its doesn’t fear viruses, it established itself above laws of nature, it’ only controlled by itself, off-ground, without a soul and inhumane. It will survive, even with bled-out economies, it will be its faithful slaves who will pay the price, those you listened to the mermaids, who ran with the crowd. Because they were used to it, because they didn’t realize, because they wanted to or really just simply, like that, without thinking, following the crowd giving them a sens of protection, reassuring crowd. Their self-sufficiency has been stolen from them, along with their material and psychological resilience, their judgement has been silenced by the singing of the System’s mermaids, the System knows how to do that really well… It feeds on us, we are fodder, obedient consumers… It loves our current crisis…
But a lot of us have joined the resistance, a resistance that doesn’t make a lot of noise, spreading everywhere nonetheless, made of doubts, learning, renouncements big or smaller, it’s a journey that often takes time. But as for me, the current situation is comforting the choices I was lucky enough to make. Still a long way to go, but the journey is worth the effort…
Si vous n’êtes pas encore en chemin, vous êtes peut-être en train découvrir des ressources que vous n’imaginiez pas à priori, vous êtes peut-être en train de vous apercevoir que certaines choses peuvent ne pas vous manquer tant que ça… Et des savoirs que vous aviez oublié reviennent peut-être, comme faire des choses soi-même, faire la cuisine, cultiver son jardin alimentaire, avoir envie d’apprendre de nouveaux savoir-faire. Dans cette crise, on comprend la fragilité de notre monde rapide mais on peut aussi apprendre à être plus résilient et commencer à bâtir des alternatives locales. C’est tout ce que je nous souhaite, car nous en aurons encore plus besoin dans l’avenir, quand tout ça sera fini! La foule sera toujours en train de courir, et même sans doute encore plus vite je le crains, mais pendant ce temps, beaucoup se seront arrêtés et auront commencé, paisiblement, à reculer.
If you haven’t started, you might be discovering resources now that you hadn’t imagined, you might feel that you don’t miss some things… And knowledge that you had forgotten might become important again, like doing things yourself, cooking, making your vegetable garden, wanting to learn new skills. In this crisis, we understand the fragility of our fast world, but we can also learn to be more resilient and start to build local alternatives. It’s all I wish for, because we will need it in the future, when this is over! The crowd will run as fast as ever, and even faster I’m afraid, but meanwhile many people will have stopped and started to gently take steps back.
Je reprends le temps d’écrire sur ce blog! Je suis assez occupée en fait, entre les teintures et le jardin. Mais quand je suis assise à surveiller mes chaudrons qui chauffent, je griffonne du texte, quelque chose que je n’ai pas fait depuis un moment, ma plume se dérouille peu à peu… Celui-ci était un peu long. Je suis souvent en colère contre notre monde, écrire et teindre m’apaise. La prochaine fois, je vous parlerai de méditation.
I write again here! I’m quite busy between dyeing and gardening at the moment. But when I sit down waiting for my pots to heat up, I scribble down texts, something I haven’t done for too long, I’m a bit rusty but getting there… This one was a bit long. I’m often angry about our world, writing and dyeing soothes me. Next time, I will talk to you about meditation.
Il est temps dans ce billet de parler un peu teintures tout de même… J’ai teinté avec de la garance, heureusement il m’en reste un bon stock. Voilà de quoi donner une belle énergie que ce rouge lumineux!
It’s time to talk about dyeing a bit… I dyed with madder, I still have a good stash of roots. This bright red gives so much energy!
J’ai également teinté un grand tissu au henné. c’est la première fois que j’utilise le henné en teinture de draps, je ne sais pas trop ce que ça va donner, j’ai peur de quelques taches. Impossible de filtrer la poudre dans le bain tellement celle-ci est fine. Sur des écheveaux, la poudre n’est pas un souci, mais avec du tissu, cela peut poser des problèmes. Vu qu’il n’y a pas eu de noix l’année dernière, le henné est ma seule chance d’espérer obtenir un beau fauve… On verra ce que ça donne! J’ai testé la tenue à la lumière du henné sur laine (avec mordançage 20% à l’alun), et celle-ci est vraiment bonne, d’ou mon choix de l’utiliser à la place de noix. J’espère tout de même que les noix seront au rendez-vous cette année, parce que c’est toujours mieux de pouvoir utiliser des plantes poussant localement pour la teinture. Dans certains cas, je n’ai cependant pas le choix …
I also dyed a big piece of fabric with henna. It’s the first time I use henna on fabrics, I don’t really know how it’s gonna work out, I fear some spots. It was impossible to filter out the powder that is too finely ground. With skeins, that’s not a big deal, but with fabric, it could be a problem. As they weren’t any walnuts last year, henna is my only chance to get a nice fawn… We’ll see! I have tested the lightfastness of henna on wool (with 20% alum mordant) and it’s really quite good, hence my choice to use it as a walnut substitute. I hope for walnuts this year though, because it’s always a better feeling to use local plants for dyeing even if for some, I don’t have another choice…
J’ai mis en pelotes la laine française que j’avais teinté pour la fête de la laine de Rambouillet qui aurait du avoir lieu le week-end prochain et je l’ai rangée avec un peu de tristesse. Pas de stand le week-end prochain à la Bergerie Nationale, pas de discussions avec des clients et des amis venus me voir. Il va falloir prendre son mal en patience… Les pelotes sont teintés indigo en fermentation, pastel, rouge garance et vert gaude + indigo.
I wound french wool into balls, I dyed those for a fair in Rambouillet that should have taken place next week-end and it’s with a bit of sadness that I put it away in a box. No stall, no discussions with clients and friends, we are going to be patient… Wool is dyed with indigo (fermentation vat) and woad as well as madder red and indigo+weld green.
Le soleil est enfin revenu avec le froid qui menace les fleurs de mon poirier. Il apporte de l’énergie et fait briller le mérinos et soie dans l’atelier.
Sun is back, along with cold nights that makes me fear for my pear tree flowers. It’s bringing energy and makes merino and silk skeins shine in the workshop.
Amitiés artisanes depuis ma forêt magique qui devient de plus en plus printanière. L’image ci-dessous date de l’époque où je faisais beaucoup de photo, vous pouvez aller faire un voyage virtuel dans mon univers ici.
Prenez soin de vous!
Crafty greetings from my magic forest where Spring is coming hard. The photo below is from the time I used to take a lot of photos, you can have a look at them here, for a little virtual trip…
Stay safe and take care!
Prenez soin de vous aussi. C’est toujours un plaisir de lire votre prose surtout en ces temps troubles et troublés. Même si certains rayons ne sont plus rechargés (farine, vinaigre blanc, laitages) je trouve que dans l’ensemble du moins aux alentours de mon village, les gens restent chez eux ne sortant que pour l’alimentaire.
Merci pour vos magnifiques chroniques …en ces temps difficiles! Et bravo pour vos travaux de teinture!
Bonjour,
J’adore voir votre travail via vos articles. J’ai directement pensé à vous en regardant un sublime reportage sur la teinture traditionnelle au Japon. C’est droit maintenant sur la chaîne Ushuaïa et l’émission s’appelle: au fil du monde.
J’espère que vous arriverez à mettre la main dessus.
Salutations de Suisse Floran Oudart
Le mer. 25 mars 2020 à 18:32, L’ Atelier de Micky – Teintures et Tissages
Merci pour ces paroles bien censées ! Et toujours du plaisir à voir vos teintures…
Je ne connaissais pas ton côté en colère contre le Système, je le découvre et, curieusement peut-être, il me fait du bien. Parce que je m’y reconnais complètement, parce que je suis moi-même souvent en colère pour les mêmes raisons que tu cites, et qu’en même temps voir le chemin que tu t’es tracé, fait de fibres, de couleurs, d’expérimentations patientes, d’Histoire, d’humilité, de dédication… ça me montre que les deux ne sont pas incompatibles. La révolte et la paix, le feu intérieur et la patience infinie. Merci.
Eh oui, on peut trouver un équilibre… ça prends du temps, mais c’est possible et j’avoue que l’artisanat, notamment le tissage aux tablettes par lequel j’ai commencé, m’a beaucoup appris dans ce sens! Je crois que la colère vient de l’égo (au sens plus spirituel du terme) et vu qu’on devrait, à mon avis, mettre un peu son égo de côté en artisanat… 🙂
Merci à toi, je t’embrasse fort! Micky