Depuis quelque temps déjà, je poursuis quelques recherches pour faire des cuves d’indigo plus historiques et/ou plus respectueuses de l’environnement. La solution de facilité dont dispose le teinturier est actuellement le diothinite de sodium ou hydrosulfite, inventé vers 1871 . Les avantages de la réduction chimique sont nombreux, la rapidité de mise en œuvre de la cuve notamment. Cependant, les résidus contiennent des sulfites et sulfates, pas franchement écologiques. Je recycle mes cuves d’indigo en compost, mais consciente de la présence de ces molécules, ce compost ne sert jamais aux plantes comestibles. Chez moi une cuve d’indigo est réactivée jusqu’à son épuisement complet, ce qui permet de limiter un peu les déchets…
J’explore donc des moyens alternatifs d’obtenir des cuves d’indigo efficaces. Pour cela, il faut à la fois aller voir les techniques historiques et les techniques « traditionnelles » toujours utilisée de par le monde. Je me suis servie des travaux de Dominique Cardon et de Michel Garcia notamment pour expérimenter de nouvelles pistes.
La chimie de l’indigo est assez complexe: une réduction en milieu alcalin (basique) permet solubiliser l’indigo en leuco-indigo, forme acide et peu colorée. C’est pourquoi un bon bain d’indigo n’est pas bleu, sauf en surface où il est contact avec l’oxygène de l’air! Sous l’action de l’alcalinité se forme un sel de leuco-indigo qui va pouvoir se fixer sur les fibres à teindre. A la sortie du bain, le leuco-indigo est ré-oxydé en indigo, c’est ce qui se passe quand la fibre bleuit à la sortie du bain. Pour simplifier, il nous faut un agent réducteur et un milieu alcalin.
On distingue plusieurs types de cuves traditionnelles ou historiques ( voir D. Cardon, « Le Monde des teintures naturelles », éditions Belin). Je ne vais pas vous décrire ça en détail, mais il semble que les cuves médiévales utilisaient classiquement de la potasse pour la teinture au pastel (on utilisait les coques de pastel fermenté, où les bactéries faisaient une partie du boulot de réduction!) Les cuves à l’urine semblaient être utilisées à petite échelle surtout, l’urine croupie agissant à la fois comme alcalin et contenant des bactéries. Les cuves indiennes ou persanes étaient à base de carbonate de soude, de chaux et de dattes bien mûres fermentées pour alimenter les bactéries. En Inde on trouve aussi les cuves sucrées à base de mélasse. En Afrique et en Asie tropicale, une cuve à base de feuilles d’indigo fraîches et de chaux / cendres est encore utilisée. Il y a aussi des recettes à base de garance, de henné et/ou de son de blé, le but étant toujours le même: réduction et alcalinité! C’est le temps et le savoir-faire du teinturier qui fait ensuite la différence…
Ma démarche est actuellement de tester différentes cuves: la cuve au fer, la cuve au fructose, la cuve aux fruits et les cuves à garance et henné. Il s’agit principalement des recettes de Michel Garcia. J’utilise de la poudre d’indigo du commerce, avant de refaire des essais avec du pastel du jardin quand celui-ci sera prêt à être utilisé! Aujourd’hui je vous présente la cuve dite « 1-2-3 » à base de sulfate de fer et de chaux. L’avantage de cette cuve, c’est qu’elle peut s’utiliser froide (trèèèèès pratique si je dois présenter la teinture en démonstration…). L’inconvénient, c’est que le fer n’est pas bon pour de la laine, alors il est recommandé de la réserver à des fibres végétales ou de la soie.
Pourquoi cuve « 1-2-3 » ? Tout simplement parce que la recette est basée sur ces nombres: 1 part d’indigo pour 2 parts de fer et 3 parts de chaux (chaux éteinte évidemment). Tout ça est mélangé dans l’ordre dans de l’eau chaude et on « pallie » la cuve, c’est à dire qu’on l’homogénéise doucement pour que la réduction soit complète. Comme dans toutes les cuves d’indigo, c’est prêt dès que le liquide est jaune-brun ou verdâtre et que la fameuse « fleurée », pellicule iridescente à la surface, apparaît!
Voici quelques échantillons de lin et de coton. J’ai également trempé de la soie floche. Comme cette cuve là est destinée à des démonstrations, je ne cherche pas à la tester à plus grande échelle pour l’instant. J’ai teinté en une seule fois pendant vingt minutes environ.
On distingue bien les résidus de fer et chaux en bas des échantillons sortis du bain, il vaut mieux utiliser un panier pour teindre et éviter cette couche de sédiments.
et voilà la soie floche à la sortie du bain.
Ah ben oui, il y a des taches là où ça a trempé dans le sédiment… par contre, la soie floche est d’un très beau bleu très profond!
Conclusion: je crois que j’ai trouvé la cuve idéale pour emmener sur les campements et pouvoir, enfin, montrer la magie de l’indigo au public!
A suivre, la cuve au fructose, j’ai déjà une belle couleur et un début de fleurée, ça se présente plutôt bien pour le moment… Encore un peu de patience et de repos (pour la cuve seulement, même si j’en aurais besoin également!) et on va pouvoir passer aux essais suivants! To be continued!
Ping : Teinture indigo sur tissus anciens – Indigo dyeing on vintage fabric | Les tissages de Micky
Bonjour!article très interessant 😉 je souhaiterais te poser une question… j’ai acheter de la poudre d’indigo au Maroc que je souhaite utiliser pour teindre du textile, comment savoir si elle a était déjà réduite pour la vente ou non? Si ce n’est pas le cas, quelle est la solution la plus simple (je suis super novice en la matière ) pour la réduire ? Merci de me lire , si tu as des réponses je suis preneuse 😉
Bonjour!
difficile à savoir, il me semble que ça ne se voit pas au premier coup d’oeil, mais j’ai toujours utilisé de l’indigo naturel sans traitement particulier donc je ne saurais pas affirmer quoi que ce soit. La poudre devrait avoir une odeur assez forte si c’est un indigo naturel (qui contient entre 35 et 48% d’indigo selon la qualité), je sais qu’il y a aussi de l’indigo de synthèse qui circule, mais je n’en ai jamais eu en main.
La réduction se fait dans la cuve: il y a une recette à base de chaux et de fructose sur ma page https://mickytissages.wordpress.com/teintures-essais-et-recettes/ juste sous la recette à l’indigo chimique. Le meilleur moyen de tester ton indigo est encore de se lancer et de monter une petite cuve (tu peux commencer par 10g indigo, 20g de chaux et 30g de fructose dans quelques litres d’eau).
Bon essais et amitiés!
Micky
Bonjour,
J’ai essayé de mon côté de monter une mini cuve avec 1g de chaux, 1.5g de fructose et 80ml d’eau chaude et j’ai ajouté un bout de cuillère de pigment d’indigo, j’ai ensuite laissé reposer la cuve 24h. Le problème c’est que j’obtiens un tissu très peu coloré… Je suis bloquée par la quantité d’indigo que je peux mettre car j’en possède très peu. Avant de teindre mon tissu, j’ai d’abord essayé avec ma cuve froide (tissu très légèrement vert) et après je l’ai chauffée (tissu légèrement bleu) sauf que quand j’ai chauffé ma petite cuve le fructose a formé du caramel… Bref, comment peut-on faire pour que la couleur soit plus présente? Merci d’avance!
Bonjour!
C’est normal que vous obteniez si peu de couleur, il n’y a vraiment pas assez d’ingrédients… Moins la cuve est concentrée, plus la réaction chimique qui s’y produit est « fragile » et difficile à maintenir. Pour la transformation en « caramel », peut-être avez-vous trop chauffé? Il ne faut pas monter au-dessus de 55° environ.
J’ai de l’indigo en vente sur mon site à un prix intéressant si cela vous intéresse! 😉
Amitiés,
Micky
Ping : Cuve indigo organique au henné et quelques pensées – Organic indigo vat with henna and some thoughts! | L'Atelier de Micky - Tissages et Teintures
Bonjour,
Je me permets de vous contacter, car j’ai de la difficulté à monter une cuve d’indigo au fer, je suis à la recherche de quelques conseils.
Je suis imprimeur et teinturière de métier et j’essaie de faire une cuve d’indigo au fer pour la première fois afin d’animer un cours pratique de shibori pour des étudiants en mode.
Je sais que vous n’utilisez pas la recette au fer, mais celle au fructose, vous aurez peut-être des réponses à m’apporter.
Après plusieurs essais, j’ai toujours le même problème mon indigo précipite au fond de la cuve et ne teint pas les fibres.
Mon ph est à 10, j’utilise les proportions suivante, soit 1 part d’indigo pour 2 parts de sulfate de fer, pour 3 parts de chaux. Soit 5g d’indigo pour 10g de sulfate de fer et 15 g de chaux, je les dilue dans environ 5L d’eau à 50 degrés. J’ observe après mélange un bain verdâtre avec des particules en suspension, puis au bout d’une heure, on peut voir en surface une fine pellicule plutôt argentée et une mousse bleue au centre, par contre en dessous de la pellicule, l’indigo a complètement précipitée au fond.
Avez-vous des recommandations à me faire ?
Merci d’avance
Clémence
Bonjour!
j’utilise la cuve au fer quand j’anime des petits ateliers, car elle peut se faire à froid et c’est bien pratique dans certains cas! 😉 C’est une cuve à réserver aux fibres cellulosiques car elle est relativement « agressive » pour la laine. Le précipité au fond est surtout formé de chaux et l’indigo réduit est dans la cuve même si on ne le voit pas forcément. Personnellement, je remue ma cuve environ 15 minutes avant de teindre, le temps que la chaux et le fer précipitent au fond, car cela laisse des traces sur les fibres, il faut veiller à teindre sans toucher à ce résidu solide (j’utilise un panier). Je vous conseille de faire quelques essais et vous verrez exactement de quoi je parle. Vous pouvez augmenter un peu la concentration en indigo dans votre cuve aussi, les cuves au fer, d’après mes expériences, aiment bien être un peu concentrées pour fonctionner correctement (en tout cas avec mes ingrédients, mon eau, bref… ).
Amicalement,
Micky
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Bonjour, mil merci pour autant d’information !
vous êtes très généreuse!
Je monte une cuve de 10l. au henné depuis 3-4 jours mais je n’arrive pas à l’activer….une fine couche un peu irisé se forme et une mousse un peu blanche….quand je remue.
Couleur marron caki pas très sombre, le ph est de 11, donc ça va.
J’ai décidée de la chauffer un peu.
Peut-être avez vous des conseils à me donner?
merci encore!
Bonjour!
de rien, les connaissances sont faites pour être partagées! 😉
Vous l’alcalinisez avec quoi votre cuve au henné? de la chaux? Il faut essayer de la monter en température alors oui et surveiller la couleur de la mousse, blanc c’est pas bon généralement, c’est que ça manque de réduction. Vous avez combien de grammes d’indigo par litre? ça aussi ça peut jouer s’il n’y en a pas assez je démarre généralement mes cuves à au moins 3g/l voire 5g/l).
Amitiés, Micky
Bonjour
D’une manière générale, je peux alcaliniser ma cuve avec n’importe quel produit alcalin? De la soude, du citron…? Si oui, quelles proportions suggérez vous? Et du coup pour l’urine, quel est le procédé (je cherche aussi les moyens les plus naturels et accessibles). Merci de votre travail et partage.
Bonjour Sofia,
difficile de vous répondre précisément, ça dépend beaucoup de la cuve que vous allez utiliser, mais on utilise généralement du carbonate de sodium, potasse ou eau de cendre principalement. Certaines recettes préconisent de la chaux avec carbonate de sodium. le citron n’est pas un alcalin par contre.
Pour l’urine, c’est simple: urine fermentée (je dirais au moins 3 semaines) provenant de gens qui ne prennent pas de médicaments de préférence puis maintien au chaud avec ajout d’indigo.
Amitiés, Micky